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Si nous considérons l’anorexie, la boulimie et l’obésité, certaines des nouvelles manifestations du malaise contemporain, il peut être utile d’en offrir une lecture actualisée tenant compte de leur phénoménologie actuelle. L’apparition des troubles alimentaires est de plus en plus précoce dans ses manifestations (elle se retrouve même chez les enfants) et il est donc nécessaire d’aborder la « fonction parentale » en ce qui concerne la reconnaissance des désirs des enfants eux-mêmes, qui ne coïncident pas toujours avec leurs demandes, parfois impossibles.
Mais c’est l’adolescence le moment où la souffrance anorexique-boulimique émerge, peut-être présente depuis longtemps mais cachée aux membres de la famille. Pourquoi l’adolescence ? L’adolescence renferme en son cœur l’une des phases les plus traumatisantes et révolutionnaires de la vie de l’être humain : la puberté. C’est un temps où les pulsions psychologiques réapparaissent après la phase de latence.
La transformation rapide du corps pousse la personne à se confronter, souvent prématurément, à son identité sexuelle. La relation que les jeunes adolescentes anorexiques-boulimiques entretiennent avec le miroir, objet aimé ou détesté, révèle comment l’image réfléchie du corps leur revient avec des effets d’étrangeté et une profonde angoisse. Qu’est-ce qui les a empêchées de se préparer suffisamment à ce saut existentiel au point qu’elles y répondent par l’anorexie ou la boulimie ? Quels éléments structurent et influencent la lecture que ces filles font du traumatisme de la puberté ? Par exemple : l’influence de la mère dans son rapport avec la féminité, le poids d’un mode de vie qui prend de moins en moins en compte la fragilité et l’incertitude dans lesquelles l’adolescente est immergée, la poussant vers des rôles, des attitudes, des choix qu’elle n’est pas encore en mesure de faire. Les statistiques qui associent l’apparition de l’anorexie-boulimie à l’époque adolescente montrent en effet comment ces symptômes sont des « expédients » pour traverser la crise pubertaire.
Les troubles alimentaires sont notoirement liés à une préoccupation excessive du sujet envers l’image corporelle, une image qui, en particulier dans notre culture, veut se conformer à l’idéal esthétique dominant qui pose comme modèle la minceur du corps. Cet idéal a une incidence particulière dans le monde féminin, car il rend la femme susceptible ou non d’occuper la position d’objet du désir masculin. La relation avec le désir et la sexualité est clairement au centre de ce malaise, montrant tous les aspects symptomatiques qui lient le sujet féminin à un développement psychologique particulièrement complexe. En réalité, l’aménorrhée elle-même, qui accompagne les diverses formes d’anorexie, témoigne de manière symptomatique des effets d’une fermeture à la voie maternelle et féminine et nous amène à nous interroger sur le fait que dans ces tableaux symptomatologiques, apparaît un certain refus, non seulement des capacités reproductives propres à la femme, mais aussi de l’acceptation d’un corps qui, en tant que féminin, prend en compte le plan de la différence sexuelle.
Ce n’est pas par hasard que l’anorexie-boulimie se manifeste souvent comme le résultat d’une dysfonction du lien mère-fille, accentué par le manque du rôle paternel qui caractérise de plus en plus le contexte socio-culturel actuel. La diffusion du malaise concerne le monde féminin dans toutes les tranches d’âge, de l’adolescence à l’âge adulte. Tout comme le ménarche, à la puberté, marque un moment particulièrement délicat dans le développement psycho-affectif, la ménopause est aujourd’hui également une cause récurrente de l’apparition tardive du trouble alimentaire. De plus, les nouveaux contextes familiaux, qui se différencient de la famille traditionnelle par le changement du rôle social des femmes, ont déterminé une nouvelle configuration et une nouvelle redistribution des rôles au sein de la famille, montrant comment la population féminine est aujourd’hui plus que jamais divisée dans différents domaines : de celui maternel à celui affectif et professionnel.
Tous ces éléments amènent Soremax à considérer de plus en plus l’importance de la prise en charge, avec des groupes dédiés, des parents d’adolescents souffrants. Il est nécessaire de procéder à un « traitement de la famille » pour connaître les différents contextes familiaux, en examinant à la fois les différentes caractéristiques des pères et des mères et, dans un second temps, les logiques familiales les plus fréquentes dans les familles de sujets anorexiques-boulimiques. L’objectif est de permettre une récupération des communications intra-familiales pour réduire, autant que possible, les angoisses, les ressentiments, les malentendus et les sentiments de culpabilité.
Mais comment s’orienter face à une personne qui demande de l’aide ?
Les personnes anorexiques ou boulimiques demandent rarement de l’aide, presque toujours la demande de soin est une demande préoccupée de la famille ou de l’école. L’approche d’une fille (ou d’un garçon) souffrante n’est pas facile, on est surtout effrayé par la dangereuse perte de poids dans l’anorexie, ou par les crises de boulimie et le vomissement qui suit chez les boulimiques. L’aspect physique et médicalisé prévaut dans l’approche et, souvent, fait perdre de vue la centralité de la dimension psychologique de cette souffrance.
En bref, pour commencer tout parcours de soin psychologique, qui n’exclut pas de prendre en compte le « corps », il est nécessaire de d’abord construire une alliance thérapeutique avec le sujet souffrant, une alliance qui suppose respect, reconnaissance, empathie, absence de culpabilisation et encore moins de chantage ou d’imposition.
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